• Booker T. Washington et son livre, Up from Slavery, sont peu connus en France. Aux Etats-Unis, il fut la figure majeure des citoyens noirs entre 1890 et 1915, et demeure aujourd'hui au sein du panthéon américain. Il appartient à la dernière génération de leaders noirs nés dans l'esclavage. Après son abolition en 1865 il fit des études, ce qui lui permit d'écrire son histoire, grand éducateur lui-même, il devint le chantre de l'éducation pour le développement des citoyens noirs.

    A la fin de sa vie, les nouveaux leaders de la cause noire aux Etats-Unis (WEB Dubois et le NAACP) lui reprochèrent sa recherche du consensus et de l'assimilation tranquille alors que la situation sociale des Noirs demeurait très dure, ouvrant l'ère des luttes pour les droits civiques.

    Un aperçu des réalités de l'esclavage au milieu du XIXe siècle en Amérique dans le récit de Booker T. Washington :

    "La case n'était pas seulement notre habitation. Elle faisait office de cuisine pour la plantation, dont ma mère était la cuisinière. La case était dépourvue de vitres. Elle ne possédait que des ouvertures sur les côtés qui laissaient entrer la lumière mais aussi un air froid et glacial en hiver. Elle avait une porte qui n'avait de porte que le nom : les gonds branlants qui la retenaient et les larges fissures qui la parcouraient, pour ne rien dire du fait qu'elle était trop petite, rendaient la pièce très inconfortable. [...] La case ne possédait pas de plancher. Son sol était en terre battue. Au milieu se trouvait une fosse large et profonde, recouverte de planches, dans laquelle on entreposait les patates douces durant l'hiver."

    "Je ne reçus aucune instruction quand j'étais esclave, mais je me rappelle être allé à plusieurs reprises jusqu'à la porte de l'école pour porter les livres d'une de mes jeunes maîtresses. L'image de ces dizaines de garçons et de filles réunis dans la salle de classe et plongés dans leurs études me marque profondément ; il me semblait qu'aller à l'école pour étudier ainsi serait comme entrer au paradis.

    Pour autant que je me souvienne, c'est un matin, avant l'aube, que je découvris que nous étions esclaves et qu'il était question de nous libérer. Je fus réveillé par ma mère qui, agenouillée près de ses enfants, praiti avec ferveur pour que Lincoln et ses armées fussent victorieux et qu'un jour, ses enfants et elles fussent libres. A ce propos, je n'ai jamais pu comprendre comment les esclaves de par tout le Sud, dans l'ignorance où se trouvaient les masses de tout ce qui touchait aux livres et aux journaux, se tenaient aussi fidèlement et précisément informés des grandes questions nationales qui agitaient le pays. Du moment où Garrison, Lovejoy et autres eurent commencé leur campagne pour la liberté, partout dans le Sud les esclaves se tinrent au courant de la progression du mouvement. Bien que je n'eus été qu'un enfant durant les préparatifs de la guerre et durant la guerre même, je me souviens encore du murmure des discussions nocturnes auxquelles j'entendais ma mère et les autres esclaves de la plantation laisser libre cours. Ces discussions montraient qu'ils comprenaient la situation et qu'ils de tenaient informés des événements par ce que l'on appelait le "télégraphe arabe"."

    Booker T. Washington, Up from slavery, traduction française de JM Vazelle pour Les éditeurs libres.

    Up from slavery paraîtra pour la première fois en français à l'automne chez Les éditeurs libres


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  • Esclaves des îles Françaises est un petit livre qui rend à nouveau accessible un des plus grands témoignages sur la réalité de l'esclavage dans les îles françaises, celui du jeune Bernardin de Saint-Pierre. Jean-Charles Pajou, jeune conservateur de bibliothèque qui finit une thèse à la Sorbonne sur les révoltés de Saint-Domingue (sur lesquels j'espère publier ici quelques billets à l'occasion de la journée de commémoration du 10 mai), s'est occupé de l'édition de ce court texte qui marque un véritable tournant dans la conscience française. Il l'accompagne d'un essai sur "la question coloniale au XVIIIe siècle".

    Voici un extrait du texte de Bernardin de Saint-Pierre sur ce qu'il découvrir à son arrivée à l'île de France (actuelle île Maurice) :

    "Voici comme on les traite. Au point du jour, trois coups de fouet sont le signal qui les appelle à l'ouvrage. Chacun se rend avec sa pioche dans les plantations, où ils travaillent, presque nus, à l'ardeur du soleil. On leur donne pour nourriture du maïs broyé, cuit à l'eau, ou des pains de manioc ; pour habit, un morceau de toile. A la moindre négligence, on les attache, par les pieds et par les mains, sur une échelle ; le commandeur, armé d'un fouet de poste, leur donne sur le derrière nu cinquante, cent, et jusqu'à deux cents coups. Chaque coup enlève une portion de la peau.Ensuite on détache le misérable tout sanglant ; on lui met au cou un collier de fer à trois pointes, et on le ramène au travail."

    Illustration : Alphonse Garreau, L'émancipation à la Réunion

    Commander le livre : Amazon, Fnac, Virgin, votre libraire du coin ou sur le site des éditeurs libres  


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  • Booker T. Washington et son livre, Up from Slavery, sont peu connus en France. Aux Etats-Unis, il fut la figure majeure des citoyens noirs entre 1890 et 1915, et demeure aujourd'hui au sein du panthéon américain. Il appartient à la dernière génération de leaders noirs nés dans l'esclavage. Après son abolition en 1865 il fit des études, ce qui lui permit d'écrire son histoire, grand éducateur lui-même, il devint le chantre de l'éducation pour le développement des citoyens noirs.

    A la fin de sa vie, les nouveaux leaders de la cause noire aux Etats-Unis (WEB Dubois et le NAACP) lui reprochèrent sa recherche du consensus et de l'assimilation tranquille alors que la situation sociale des Noirs demeurait très dure, ouvrant l'ère des luttes pour les droits civiques.

    Un aperçu des réalités de l'esclavage au milieu du XIXe siècle en Amérique dans le récit de Booker T. Washington :

    "La case n'était pas seulement notre habitation. Elle faisait office de cuisine pour la plantation, dont ma mère était la cuisinière. La case était dépourvue de vitres. Elle ne possédait que des ouvertures sur les côtés qui laissaient entrer la lumière mais aussi un air froid et glacial en hiver. Elle avait une porte qui n'avait de porte que le nom : les gonds branlants qui la retenaient et les larges fissures qui la parcouraient, pour ne rien dire du fait qu'elle était trop petite, rendaient la pièce très inconfortable. [...] La case ne possédait pas de plancher. Son sol était en terre battue. Au milieu se trouvait une fosse large et profonde, recouverte de planches, dans laquelle on entreposait les patates douces durant l'hiver."

    "Je ne reçus aucune instruction quand j'étais esclave, mais je me rappelle être allé à plusieurs reprises jusqu'à la porte de l'école pour porter les livres d'une de mes jeunes maîtresses. L'image de ces dizaines de garçons et de filles réunis dans la salle de classe et plongés dans leurs études me marque profondément ; il me semblait qu'aller à l'école pour étudier ainsi serait comme entrer au paradis.

    Pour autant que je me souvienne, c'est un matin, avant l'aube, que je découvris que nous étions esclaves et qu'il était question de nous libérer. Je fus réveillé par ma mère qui, agenouillée près de ses enfants, praiti avec ferveur pour que Lincoln et ses armées fussent victorieux et qu'un jour, ses enfants et elles fussent libres. A ce propos, je n'ai jamais pu comprendre comment les esclaves de par tout le Sud, dans l'ignorance où se trouvaient les masses de tout ce qui touchait aux livres et aux journaux, se tenaient aussi fidèlement et précisément informés des grandes questions nationales qui agitaient le pays. Du moment où Garrison, Lovejoy et autres eurent commencé leur campagne pour la liberté, partout dans le Sud les esclaves se tinrent au courant de la progression du mouvement. Bien que je n'eus été qu'un enfant durant les préparatifs de la guerre et durant la guerre même, je me souviens encore du murmure des discussions nocturnes auxquelles j'entendais ma mère et les autres esclaves de la plantation laisser libre cours. Ces discussions montraient qu'ils comprenaient la situation et qu'ils de tenaient informés des événements par ce que l'on appelait le "télégraphe arabe"."

    Booker T. Washington, Up from slavery, traduction française de JM Vazelle pour Les éditeurs libres.

    Up from slavery paraîtra pour la première fois en français à l'automne chez Les éditeurs libres


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  • "Voici comment on les traite. Au point du jour, trois coups de fouet sont le signal qui les appelle à l'ouvrage. Chacun se rend avec sa pioche dans les plantations, où ils travaillent, presque nus, à l'ardeur du soleil. On leur donne pour nourriture du maïs broyé, cuit à l'eau, ou des pains de manioc ; pour habit, un morceau de toile. A la moindre négligence, on les attache, par les pieds et par les mains, sur une échelle ; le commandeur, armé d'un fouet de poste, leur donne sur le derrière nu cinquante, cent, et jusqu'à deux cents coups. Chaque coup enlève une portion de la peau. Ensuite on détache le misérable tout sanglant ; on lui met au cou un collier de fer à trois pointes, et on le ramène au travail. Il y en a qui sont plus d'un mois avant d'être en état de s'asseoir. Les femmes sont punies de la même manière.

    Le soir, de retour dans leurs cases, on les fait prier Dieu pour la prospérité de leurs maîtres."

    Extrait de la Lettre sur les Noirs de Bernardin de Saint-Pierre (1773) dans Esclaves des îles françaises, Les éditeurs libres, 2006. ISBN 2-916399-01-1

    www.lesediteurslibres.com  

    Photo : marché d'esclaves à Zanzibar au XIXe siècle 


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  • A l'heure où les mémoires collectives font irruption dans le débat public, Jean-Charles Pajou, conservateur des bibliothèques qui termine sa thèse sur les révoltés de Saint-Domingue, ouvre une fenêtre originale sur cette vaste question de l'esclavage.

    Esclaves des îles françaises est un petit livre riche de nombreuses sources d'époque, dont le célèbre Journal de Bernardin de Saint-Pierre. Ce texte incontournable est un témoignage unique qui marqua dans la France des Lumières un véritable tournant des consciences.

    Il propose également en épilogue un bel essai sur la question coloniale au XVIIIe siècle :

    "Le mouvement abolitionniste se développe dans le dernier tiers du XVIIIe siècle, principalement en France et en Angleterre. Lorsque Bernardin écrit sa Lettre sur les Noirs, plusieurs condamnations morales avaient déjà été publiées, par Montesquieu dans L'Esprit des Lois, par Voltaire dans Candide et dans L'Essai sur les moeurs, par Helvétius dans son De l'esprit. Les critiques des philosophes et des philanthropes se référaient au droit naturel de tout homme et exhortaient les colons et les souverains à abandonner le système esclavagiste au nom de principes moraux, religieux ou philosophiques. Mais elles ne représentent qu'un faible poids face à la puissance économique des négociants et des colons. Par conséquent les abolitionnistes développeront une argumentation économique pour convaincre leurs adversaires de l'intérêt pour tous, colons y compris, de l'abandon du système esclavagiste. En 1781, Raynal explique qu'en "rendant à ces malheureux la liberté, vos colonies ne manqueront pas de bras, qui, soulagés de leurs chaînes, en seront plus actifs et plus robustes." Ce sont des raisonnements semblables que pronoçait l'intendant Pierre Poivre à son arrivée dans l'île de France en 1767. [...] Mais c'est peut-être du côté du roman, plus que des controverses philosophiques, qu'une révolution des sensibilités va germer."

    Esclaves des îles françaises : Lettre sur les Noirs de Bernardin de Saint-Pierre suivie de La question coloniale au XVIIIe siècle, Les éditeurs libres, 2006.

    www.lesediteurslibres.com 


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