• Napoléon, Empereur de l'île d'Elbe, Paris, Les éditeurs libres, 416 p.

    24 €

    ISBN 2-916399-00-3

    Diffusion-distribution (professionnels) : Court-Circuit diffusion


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  • J'ai dit que Pons de l'Hérault était un des ces grands oubliés de l'histoire alors qu'il a eu sa petite notirété au XIXe siècle pour avoir été un défenseur assidu tout au long de sa vie de la République et du suffrage universel (qu'il verra enfin s'instaurer 5 ans avant sa mort en 1848).

    Il n'en fut pas moins le héros du roman de Patrick Rambaud, L'Absent (suite de la Bataille, célèbre pour avoir reçu le Goncourt) qui puise considérablement dans les Mémoires de Pons de l'Hérault.

    Patrick Rambaud met à profit romanesque la situation inouïe de la coexistence de Napoléon, ex-maître du monde devenu roi d'un rocher en Méditerranée, et d'un petit fonctionnaire retors, intègre et républicain qui avait été éloigné quelques années auparavant du pouvoir et envoyé sur l'île pour administrer des mines de fer.

    La première entrevue que le romancier imagine est conforme à ce qu'en ont rapporté les différents témoins, et Pons de l'Hérault dans ses Mémoires en premier lieu.

    Napoléon déchu débarque sur l'île à bord d'un vaisseau anglais. Dès la première journée de son nouveau règne, il rend visite à Pons de l'Hérault et à ses mines. Cette première journée ensemble annonce déjà la richesse et l'ambiguïté des rapports entre les deux hommes et qui font toute l'originalité des Mémoires de Pons (Pons de L'Hérault, Napoléon empereur de l'île d'Elbe, Les éditeurs libres).

    "Au-delà de cette ville commençait le pays du fer ; plus d'arbres, plus une touffe d'herbe, on doublait des maisons grises, des coteaux cendrés par les scories de la mine ; le sentier était abîmé par les tombereaux qui portaient le minerai aux péniches.

    Evviva il Imperatore ! Sur les crêtes, des ouvriers déployaient leurs bannières neuves, et à Rio Marina, les cent cinquante mineurs de M. Pons, pics sur l'épaule, acclamaient Sa Majesté. [...] Pons de l'Hérault, assez nerveux, et les représentants des municipalités alentour, dont certains avaient crié la semaine précédente Mort à Napoléon ! en incendiant des pantins à son image, l'accueillaient aujourd'hui en manifestant beaucoup d'émotion. Lorsque Bertrand et Dalesme aidèrent l'Empereur à mettre pied à terre, l'ovation monta d'un ton, mais aux Evviva il Imperatore infiniment répétés se mêlaient, bien distincts, des Viva il nostro babbo ! [Vive notre père !] que Napoléon comprenait parfaitement et qui s'adressaient à M. Pons. [...]

    - J'ai l'impression que c'est vous le roi, dit l'Empereur contrarié. [...]

    La journée débutait mal. [Pons mène ensuite l'Empereur chez lui] Ses efforts, d'emblée, n'étaient pas récompensés et passèrent même pour de la pure insolence parce que le jardinier, brave homme mais ignorant les symboles, avait agencé des bouquets de fleur de lys très voyants au bas du perron, ce que l'Empereur trouva peu à son goût, et il le fit remarquer d'un ton sec :

    -Me voilà logé à bonne enseigne !"

    Ensuite Pons multiplia les marques d'insolence, oubliant systématiquement les "sire" pour des "monsieur le duc", "monsieur le comte" ou tout simplement "monsieur". Autant dire que Napoléon, qui en outre venait de perdre son Empire pour régner sur un petit rocher perdu, n'était pas des plus disposé à se faire rabrouer de la sorte par un petit fonctionnaire libertaire.

    Lors du repas, Pons est mis à l'écart. Il ronge son frein en écoutant l'Empereur.

    "Bertrand avait lui-même placé les convives en reléguant M. Pons loin de l'Empereur, comme s'il était en punition. Dalesme surveillait du regard l'administrateur, et par des petits signes le calmait, car la situation l'exaspérait... [Pons] se contenait mal et manqua plusieurs fois se lever de table, mais l'Empereur parlait de métamorphoser l'île, d'y construire de vraies routes, des égouts en ville ; il trouvait anormal qu'elle ne puisse produire assez de blé pour sa suffisance et qu'elle doive en importer."

    Puis la conversation dévie inévitablement, en présence d'un tel convive, sur la guerre :

    "- Ne me parlez plus de guerre ! Ne m'en parlez plus... Voyez-vous, j'y ai beaucoup pensé... Nous avons faiot la guerre toute notre vie, l'avenir nous forcera peut-être à la faire encore, et cependant la guerre va devenir un anachronisme. Ces batailles ? L'affrontement de deux sociétés, celle qui date de 89 et l'ancien régime, qui ne pouvaient subsister ensemble, la plus jeune a dévoré l'autre... Eh oui, la guerre m'a renversé, moi le représentant de la Révolution française et l'instrument de ses principes. N'importe. C'est une bataille perdue pour la civilisation, mais la civilisation, croyez-moi, prendra sa revanche..."

    Puis il ajouta :

    "- Il y a deux systèmes, le passé et l'avenir : le présent n'est qu'une transition pénible. [...] M. Pons pensait que ce discours lui était destiné, et que Sa Majesté, qui négligeait la bouillabaisse, chatouillait ses convictions répubicaines, mais tout de même, ce despote allait-il lui donner des leçons sous son propre toit ?"

    Si leurs rapports demeureront toujours orageux, notamment chaque fois que Napoléon prendra un malin plaisir à provoquer le républicanisme ardent de Pons, ils n'en furent pas moins riches et complexes. Pons, qui s'était opposé au coup d'Etat de Bonaparte - ce qui lui valut son éviction - finira sa vie en s'opposant à celui du neveu, en 1851, témoignant de la fidélité de ce petit fonctionnaire à ses idéaux de jeunesse. Il en fut d'ailleurs récompensé en 1848, lorsque la nouvelle République instaure pour la première fois le suffrage universel, elle le reconnaît comme un de ses plus anciens ouvriers et lui offre une place au conseil d'Etat. Pourtant, entretemps, il avait été un des rares dans la confidence du débarquement de Provence qui restaurera le pouvoir napoléonien pour Cent-Jours. Il est alors nommé préfet du Rhône, place stratégique. Il plaidera également auprès du Congrès de Vienne pour obtenir l'autorisation de rejoindre Napoléon à Sainte-Hélène. De son côté Napoléon n'aura de cesse de le consulter et de lui faire confiance. Les Mémoires de Pons sont à l'image de cette rencontre : originales, libres et intègres.

    Les extraits viennent du roman de Patrick Rambaud, L'Absent, paru en poche chez Le livre de poche.

    Les Mémoires de Pons sont éditées chez Les éditeurs libres : Napoléon, empereur de l'île d'Elbe, Souvenirs et anecdotes de Pons de l'Hérault.


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  • Nous avons « restauré » les mémoires les plus originales qui soient sur Napoléon avec l'édition des Souvenirs d'un oublié, Pons de l'Hérault. Le personnage de Pons, connu au XIXe siècle pour l'engagement de sa vie en faveur de la République, de la Liberté et du suffrage universel, explique l'originalité de ses Mémoires.

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    Il n'a pas connu Napoléon sur le champ de bataille ni à la cour des Tuileries. Il l'a rencontré furtivement au début de leur carrière lors du siège de Toulon en 1793 et le retrouve dans des circonstances plus que spéciales, en 1814 à l'île d'Elbe.

     

    Pons de l'Hérault, né à Sète, grandit dans cette périphérie méridionale, loin du pouvoir central, qui fut tout au long de l'histoire de France le refuge des idées et des hommes de la contestation, des hérétiques cathares au socialisme en passant par les protestants. Tôt confronté à cette société de marins aventuriers, il est mousse sur un bateau dès son plus jeune âge. C'est un homme libre qui assez naturellement épouse les bouleversements révolutionnaires.

     

    C'est cet engagement qui en fait le représentant des Sétois lors du siège de Toulon, alors que cet autre port de la Méditerranée a trahi et ouvert ses portes aux ennemis de la Révolution. C'est là, sur cet épisode crucial qu'il fait la connaissance d'un jeune officier, Bonaparte.

     

    Fidèle à ses convictions, lorsque son ancien et éphémère compagnon d'armes anéantit par un coup d'Etat l'espoir de République, il s'oppose ouvertement au nouveau maître. Autant dire qu'il est dès lors dans les mauvaises grâces de l'Empereur. Il obtient néanmoins un emploi qui ressemble fort à un placard : l'administration des mines de fer d'une miette de l'Empire, entre la Corse et la côte Toscane, l'île d'Elbe.

     

    Mais en 1814 l'impensable se produit. Les armées des monarchies européennes coalisées entrent dans Paris et Napoléon abdique. Il reçoit pour retraite cette sous-préfecture du Grand Empire, l'île d'Elbe. C'est ainsi qu'il retrouve, 20 ans après leur première rencontre devant Toulon, son plus fidèle opposant.

     

    Leur coexistence ne sera pas celle que tout le monde attendait. Pons ne dévie pas de ses convictions, mais finit par voir dans Napoléon, avant le fossoyeur des libertés, sa patrie vaincue, humiliée et occupée. Du côté de l'ex-maître de l'Europe devenu roi d'une île 20 fois plus petite que sa Corse natale, par affection sans doute autant que par génie tactique, il accordera à Pons une confiance inouïe, jusqu'à en faire un des artisans du débarquement et de sa reconquête du pouvoir.

     

    Mais toujours les rapports seront orageux. C'est cette expérience unique, la proximité quotidienne avec celui qu'on ne voyait plus que par le regard courtisan des nouveaux dignitaires ou celui, mythifié par la champ de bataille, de ses soldats, qui fait du récit de Pons de l'Hérault une source unique pour comprendre comment s'est construit la fascination napoléonienne, mais aussi pour entrevoir un autre Napoléon : un empereur au quotidien, un empereur en exil, mais qui n'a rien perdu de sa pratique virtuose du pouvoir, plus empereur que jamais malgré son empire en miniature.

     

    Napoléon, empereur de l'île d'Elbe, Les éditeurs libres, ISBN : 2-916399-00-3

     

    Préface, notes et dossiers de documents par Christophe Bourachot. Le livre est présent dans de nombreuses bibliothèques publiques, vous pouvez le trouver ou le commander chez votre librairie, à la FNAC, sur Amazon ou sur notre site.


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  • Les Souvenirs de Pons de l'Hérault sont des plus originales qui soit sur le personnage de Napoléon. D'abord on est sûr que c'est lui qui les a écrits, ce qui est déjà une garantie pas nécessairement satisfaite dans le foule des mémoires et autres journaux qui sont parus au XIXe siècle sur Napoléon. Mais surtout la personnalité et l'histoire de Pons de l'Hérault, républicain indéfectible, qui est de la génération de Napoléon et l'a connu simple officier Bonaparte, honnête homme, il laisse de leur coexistence à l'île d'Elbe un livre qui sort véritablement du lot. Les Souvenirs de Pons de l'Hérault, écrites par un opposant sur qui le charme napoléonien sut agir, montrent comment s'est contruit le mythe.

    Dans l'extrait qui suit, Pons montre un Napoléon réduit à régner sur une île vingt fois plus petites que l'Europe, où il est sous la surveillance de militaires ennemis. Ses vainqueurs ne sont pour autant pas moins admiratifs du personnage qu'ils ont combattu plus de quinze ans et qu'on présentait souvent dans leurs pays comme le diable en personne.

    "Le colonel Campbell, commissaire de la coalition, comme représentant de l'Anglterre, resta à l'île d'Elbe pour surveiller l'Empereur. Le général Koller, représentant de l'Autriche, va nous quitter.

    Depuis le départ de Fontainebleau, le général Koller a entouré l'Empereur de respect. lors des périls sans nombre qui marquèrent le passage de l'Empereur dans la Provence, le général Koller fut toujurs prêt à lui faire un rempart de son corps, et rien ne manqua aux sentiments d'indignation que lui inspirèrent les sauvages sanguinaires de cette contrée [A Orgon, en Provence, où Napoléon vaincu et en route pour l'exil, la foule se faisait plus que menaçante à l'égard de l'ex-empereur des Français]. Le général Koller est à côté de l'Empereur toutes les fois que l'Empereur désire qu'il y siot, et l'Empereur le désire souvent. On a fait parler le général contre l'Empereur : c'est une infamie. Le général Koller ne peut avoir été à Vienne en sens inverse de ce qu'il a été à Porto-Ferrajo [capitale de l'îled'Elbe]. On lui prête des invectives contre l'Empereur, un langage d'opposition à l'Empereur dans une conversation de soirée. Ce qu'on lui fait dire est précisément le contraire de ce qu'il a dit. J'ai été témoin oculaire et auriculaire de cette conversation. Voici ce que j'ai écrit à cet égard, il y a plus de trente ans. Je me copie fidèlement :

    Jusqu'à cette soirée, l'Empereur avait paru ne pas aimer qu'on l'entretînt de guerre ou de politique, et aussi l'on se gardait bien de lui en parler. Le général Koller et le colonel Campbell étaient invités à dîner. Le dîner fut triste parce que l'Empereur était triste. Les journaux firent cesser l'espèce de monotonie silencieuse qui régnait dans le cercle. Ils parlaient d'un mouvement des troupes alliées. Cela amena une discussion militaire. D'abord l'Empereur laissa dire, puis il jeta quelques paroles, ensuite il se mêla à la conversation dont il devint immédiatement le centre ; il s'anima, et animé, entraîné, il raconta l'immortelle campagne de France. L'Empreur précisait toutes les positions, tous les mouvements, toutes les affares, tous les combats, toutes les batailles. Il indiquait les jours et les heures. Chaque fois qu'il faisait le récit de ces actions, où, avec une poignée d'hommes, il avait vaincu des divisions entières, il s'adressait plus particulièrement au général Koller : "Parlez, Koller, reprenez-moi, si je ne suis pas vrai." Enfin l'Emperer en vin au moment où l'ennemi était sous les murs de la capitale. "Votre armée, dit-il, toujours en s'adressant au général Koller, votre armée était perdue, si le Maréchal Marmont n'avait pas trahi." Et de suite, en entrant dans les détails stratégiques, il continua : "Par telle manoeuvre, je vous avais séparés de vos parcs, de vos magasins ; par telle autre manoeuvre, si Marmont était resté fidèle, je paralysais vos opérations, j'avais le temps de me rendre à Paris, d'en faire barricader les rues, d'y retremper l'esprit public, d'opérer une levée en masse, de me faire joindre par tel ou tel corps, et alors, tout combiné, maître des hauteurs, libre de vous attaquer à volonté, je vous livrais bataille dans tel endroit, dans telle situation, je vous écrasais et je vous rejetais au delà de la Vistule..." L'Empereur prononça ces dernières paroles avec tant d'énergie, d'animation, de feu ; sa gesticulation était si expressive, que le général Koller et le colonel Campbell semblèrent un moment se croire transportés sur les bords du fleuve lointain.

    Tout le monde était ému. Le général Koller ne cachait pas sa sensibilité.

    Après un assez long intervalle de méditation, l'Empereur reprit avec plus de calme, mais non pas sans agitation : "Si je n'avais été qu'un misérable aventurier plus occupé du soin de conserver ma couronne que du besoin de donner des preuves de mon amour pour la Patrie, malgré les trahisons qui m'avaient fait tant et tant de mal, malgré la lassitude des maréchaux qui, depuis nos malheurs, rêvaient les délices de Capoue - ce qui a aussi influé sur nos destinées -, il me restait assez de moyens pour faire encore pendant deux ans la guerre intérieure, et les ennemis aux-mêmes ne peuvent point en disconvenir. [...]

    Le lendemain de cette soirée mémorable, le général Koller me fit visite, et il me trouva racontant à l'intendant Balbiani tout ce que je viens de narrer. Nous lui demandâmes son opinion. Le général Koller nous assura que l'Empereur avait été vrai ; il ajouta en riant : "Il m'a fait peur lorsqu'il a parlé de jeter les armées au-delà de la Vistule, et j'en ai rêvé toute la nuit."

     

    Extrait de Napoléon, empereur de l'île d'Elbe, Souvenirs et Anecdotes de Pons de l'Hérault, Les éditeurs libres . ISBN 2-916399-00-3

    Préface, notes et dossier documentaire par Christophe Bourachot.

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