• Journal de Louis-Philippe en Amérique

    Passionnés de textes curieux, nous cherchons sans cesse des sources historiques oubliées et originales. Cette rubrique est le complément naturel de nos publications et de notre désir d'ouvrir de nouvelles fenêtre sur notre histoire. Ici des extraits de nos livres, mais aussi de nos autres trouvailles dans le granier encombré de l'Histoire.

    Louis-Philippe reste un personnage méconnu. Je me rappelle les difficultés de l'UFR d'histoire de l'Université de Toulouse où j'étais étudiant, à recruter un enseignant-chercheur spécialiste de la première moitié du XIXe siècle. Napoléon est laissé aux nombreux panégyriques du souvenir, la Restauration paraît bien terne et la monarchie de Juillet sans intérêt.

    Louis-Philippe est cependant un personnage plus intéressant qu'il peut y paraître au premier abord. C'est lui qui tente de réaliser la première synthèse française en faisant de l'Histoire un programme politique dans notre pays - ce qu'elle, à bien des égards, n'a jamais cessé d'être. Il joua de sa propre histoire, rassemblant bien des errements de la vie politique de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle. A la fois héros de grandes batailles révolutionnaires (Valmy et Jemmapes), fils de Philippe Egalité, émigré à l'instar des autres "ennemis de la Révolution", il arrive au pouvoir à la suite d'une révolution populaire (celle de la Liberté guidant le peuple et de la colonne de la Bastille).

    Côté textes il laissa ses mémoires. Mais surtout un document plus original, d'un épisode peu connu de sa vie, le journal de son voyage en Amérique. Edité chez Flammarion en 1976, il est à ce jour assez introuvable (sauf pour les fouilleurs de bibliothèques, bouquinistes et autres sites de vente en ligne comme moi). Le manuscrit se trouve aux Archives nationales. N'appartenant pas au domaine public (1re édition en 1976), je ne peux malheureusement ici en retranscrire d'autres passages que des citations. Peut-être auront-nous la possibilité de l'éditer un jour (si les ayants-droit passent par là...!).

    Dans le fond, ce n'est pas ma plus grande trouvaille de récit d'Histoire vécue. On retrouve cette monotonie et cet amoncellement de détails mineurs propres aux récits de voyage du XVIIIe siècle. On prête beaucoup plus d'attention au pittoresque ou à l'exotisme des paysages qu'aux moeurs des hommes. L'historien des sensibilités à la nature y trouvera sans doute son compte. Cela dit, dans le cas d'un voyage à travers ces jeunes Etats-Unis, ça a quand même son importance, quand on sait le poids que le paysage (grandes étandues sauvages, forêts, grands arbres, montagnes, cascades) a pris dans la constitution d'emblêmes nationaux (je devrais dire "fédéraux"). Dépourvu de "patrimoine" tel qu'on en constituait à la même époque en Europe (fouilles d'Herculanum, redécouverte du gothique), c'est dans la nature, avec l'ampleur et la force particulière qu'elle prend dans cet immense pays encore sauvage, que les Américains vont trouver leur héritage commun. D'où la naissance des parcs nationaux au XIXe siècle.

    Mais revenons-en au journal de Louis-Philippe. Tout commence en 1796. La Révolution en France, erre de constitutions en constitutions. Le retour à la monarchie, passée l'ère radicale du Robespierrisme, est envisagé par certains. Louis-Philippe, alors duc d'Orléans, est un jeune prince populaire chez beaucoup, à la fois de lignée royale (dans la famille Capet, c'est le cousin), et ayant participé à la Révolution. On comprend dès lors pourquoi le Directoire veut à tout prix l'éloigner. Ses deux frères sont alors en prison en France. Leur mère, qui jouit de certaines relations avec les milieux révolutionnaires, obtient leur libération. Dans la balance de la négociation : le départ de Louis-Philippe en Amérique. Ses frères seront libérés et embarqueront pour le rejoindre dès qu'il sera monté dans un navire.

    A la fin de 1796, le duc d'Orléans débarque à Philadelphie, ville la plus importante des Etats-Unis. Quelques mois plus tard, ses frères débarquent à leur tour. Sur les raisons du voyage à travers le pays, Suzanne d'Huart (Introduction au Journal de mon voyage en Amérique, Flammarion, 1976), écrit :

    "Pourquoi continuer plus longtemps à mener le simulacre d'une vie de société dans cette ville de Philadelphie où les conversations roulaient presque uniquement sur l'argent, les possibilités de s'enrichir, alors qu'eux-mêmes n'avaient que de maigres resources et que le temps des illusions était passé. Ils savaient bien qu'il leur fallait renoncer à faire fortune dans ce pays, mais se borner à y vivre en attendant les événements." Louis-Philippe, alors âgé de 23 ans, craignait de voir ses deux frères cadet "mal user de cette oisiveté qui lui pesait tant et se laisser entraîner dans les plaisirs et la dissipation. Un voyage était un exutoire parfait pour les occuper, les former, les instruire, leur faire découvrir ce pays si différent des contrées européennes."

    Lire aussi sur ce blog : "Louis-Philippe chez les Indiens d'Amérique"


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