• Présidentielle : qui parle des musées ?

    Photo : le musée en herbe, une des rares initiatives originales en matière de musées de service public (ici éducation artistique).

     

    J'ai déjà dit la pauvreté des propositions culturelles des différents candidats à la présidentielle, où les discours lyriques (sur le thème la culture est un droit inaliénable de la personne humaine, permet de transcender nos conditions, etc.) et les variations incantatoires sur motifs éculés (démocratisation) étouffent toute vision pragmatique et efficace d'une politique culturelle qu'il faut pourtant entièrmenet reconstruire.

    Preuve que personne ne rentre vraiment dans le vif du sujet : je n'ai trouvé aucune proposition en matière de musées. Les musées sont pourtant le symbole même de l'action culturelle publique : de la Révolution qui les invente pour en faire les écoles du peuple aux villes actuelles qui investissent dans leurs musées pour redynamiser leur territoire (cf. Bilbao ou Liverpool à l'étranger, Nîmes, Saint-Etienne ou le récent MacVal parmi tant d'autres).

    Les enquêtes du Ministère sur les pratiques culturelles des Français montrent que les musées, quasiment à égalité avec les bibliothèques (30 % des Français les ont fréquentés dans l'année) sont les équipements culturels publics les plus fréquentés. Un Français sur trois, c'est quand même pas mal, même si on peut certainement faire mieux (77 % des Français ont fréquenté un musée au cours de leur vie). Mais il faut d'abord remarquer que la fréquentation des musées stagne depuis les années 1980 où de grands efforts (grands travaux présidentiels, effets de la décentralisation) avaient sensiblement augmenté leur audience. Il semble même qu'elle tend à s'éroder ces derniers-temps.

    Une des causes du problème : le manque de proximité. Les musées ne sont pas considérés en France comme des services publics de proximité (on aurait beaucoup à apprendre des centres d'interprétation canadiens, pilier de la politique de cohésion sociale). Malgré le développement de politiques des publics (notamment l'essor des activités de communication ou d'action pédagogique), le musée français souffre encore de son histoire. Il demeure ce temple du savoir et des chefs-d'oeuvre du XIXe siècle, sensé impressionner le visiteur et glorifier le rayonnement culturel du pays. Le récent MacVal, musée d'art contemporain monté en banlieue parisienne par le Conseil général tente, assez solitairement, l'expérience de la machine à diffusion culturelle contre le modèle du temple de la délectation esthétique, réservé aux initiés.

    Le manque de proximité, c'est aussi l'hypercentralisation. Les musées nationaux, pourtant financés par l'ensemble des Français, sont majoritairement des musées parisiens. Les 5 musées les plus fréquentés sont des musées nationaux parisiens, qui concentrent la plupart des crédits, des professionnels et des collections, Louvre, Versailles, Orsay, Beaubourg, Picasso en tête. Si l'on ajoute à cela les nombreux musées de la Ville de Paris, les autres musées situés à Paris ou les Galeries nationales du Grand Palais (plus d'1 million d'entrées), la carte culturelle française est sans appel. De l'autre côté, il y a plus de 1200 musées estampillés "Musées de France". Ce n'est donc pas un problème d'équipement, la France étant un des pays les plus densément équipés en musées.

    Alors, quel candidat proposera une vraie politique de déconcentration culturelle (négociation d'une carte muséographique comme la BNF coordonne une carte documentaire avec ses pôles associés en région, dépôt des dizaines de milliers d'oeuvres des réserves des grands musées nationaux dans les musées de province, rattrapage des investissements parisiens avec l'allocation à des projet régionaux et outre-mer de budgets équivalents à ceux des grands travaux présidentiels parisiens des années 80-90, déplacement de certains musées parisiens, soumis à une offre culturelle trop dense dans leur environnement, dans des collectivités qui ne demandent qu'à investir, développer et diffuser ces collections, parmi les réponses les plus évidentes au problèmes des musées français).

    Quel candidat posera la question de la fonction du musée dans la société actuelle : intégration des musées dans la société de l'information, développement des technologies numériques dans les musées à des fins de diffusion culturelle universelle et de médiation à l'art, l'histoire, la connaissance, diversifier les points de vue muséographiques, ouverture des musées sur le contemporain pour en faire des machines au service de la compréhension du monde, etc.

    Bref, chers candidats, il vous reste 1 mois et demi pour parler des musées.


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